Le Grand Pouvoir du Chninkel offre à Van Hamme l'occasion d'aborder sous un angle nouveau l'un de ses thèmes de prédilection, à savoir " l'antagonisme latent entre la force du destin qui nous écrase, et le désir de tout être épris de liberté d'échapper à ce destin ", ainsi qu'il le précise lui-même dans les colonnes de (A SUIVRE) en mars 1987. Il voit en J'On un rédempteur inspiré par les figures conjuguées de Moïse et de Jésus, à la fois martyr et figure expiatoire. Son véritable " grand pouvoir " réside dans sa faculté de pardonner les fautes de son prochain, fût-il son pire ennemi. Pour échafauder de manière vraisemblable les us et coutumes du peuple chninkel, Van Hamme s'inspire tout autant des hobbits du Seigneur des anneaux que de la tradition juive. Il assortit d'ailleurs certains dialogues d'un humour fataliste axé sur la dérision de la malchance, du malheur et de la souffrance - comme lorsque le malheureux héros échoue à chaque fois qu'il tente de s'unir à son aimée G'Well. Aux références christiques - l'épreuve du désert, les actions miraculeuses, la Cène ou la crucifixion, entre autres - s'ajoutent des allusions profanes. La plus évidente concerne le film 2001, l'odyssée de l'espace dont Le Grand Pouvoir du Chninkel pourrait être une introduction, dans la mesure où il s'achève par une séquence où l'on voit danser des australopithèques autour d'un monolithe, comme dans les premières minutes du film de Kubrick... Libéré des contraintes de la couleur, le trait de Rosinski s'épanouit dans la représentation épique de scènes de batailles aux innombrables combattants.