La continuation d'une grande saga implique la mise en oeuvre de moyens à la mesure de son ampleur : une préparation précise et une documentation historique, le choix des personnages adéquats, une bonne perception de l'esprit qui a animé les épisodes précédents, une syntonie créative et ... une touche de magie. Le voyage en Éthiopie de Pierre Wazem, Jean Claude Guilbert, Patrizia Zanotti et Marco D'Anna visait précisément cette alchimie magique. Les images de l'Éthiopie d'aujourd'hui, par bien des aspects, n'ont pas vraiment changé par rapport à celles du passé. Les montagnes de la Dancalie ont toujours les mêmes découpes caractéristiques, les bergers qui parcourent les distances infinies du désert avec leur bâton sur les épaules, marchent toujours avec leur pas fier et résigné. La cérémonie du café et les campements sous la lune ont toujours le même parfum de berbère. Le groupe a parcouru des milliers de kilomètres à bord de 2 jeeps équipées pour aller voir de près les anciens sanctuaires de la civilisation éthiopienne, les lieux de guerre, les lieux où Pratt a vécu dans sa jeunesse, la gare de Dire Daua et les wagons des trains à bord desquels aurait pu voyager Koinsky, les couleurs et les atmosphères du désert. La lumière implacable du soleil et les ombres dures et coupantes, les nuits baignées de lune et de bruits lointains. Les récits de Jean-Claude, "l'ami mystérieux", sont ceux d'un homme qui connaît à fond ce monde, mais aussi et surtout qui connaît les codes d'Hugo Pratt qui, comme lui, a toujours recherché des mondes perdus dans le sens le plus large du terme : celui de l'histoire, mais aussi de ce qu'il y a au delà - la magie, l'ésotérisme, l'inexplicable.