Au début, Néomie est un foetus heureux : pas de poubelles à descendre, pas de PV, pas de concurrence, c'est la béatitude amniotique. Petite fille, bien que très affectée par la mort de la maman de Bambi, elle crapahute dans les verts pâturages de l'enfance avec un entrain qui ressemble beaucoup au bonheur. Mais voilà qu'un jour, elle devient une vraie femme en état de marche et étrenne son premier soutif ce qui l'emballe moyennement. Il faut dire que nous sommes avant 68, avant l'invention du tampax et du féminisme, autant dire au Moyen Age. Elle étrenne aussi son premier prince charmant, et c'est là que les choses se compliquent. D'amours foirées en extases "chimiques" plutôt réussies, elle va s'en prendre plein la poire, jusqu'à ce que lui vienne cette sagesse qui consiste à capter les petits bonheurs au lieu de cavaler après l'escroquerie du siècle : le gros bonheur bien cadré et obligatoire.
"Prends du bleu, prends du rose et touilles, tu obtiendras la couleur de l'hématome", dit Jean Teulé dans sa préface. Cestac étant imbattable pour nous dessiner les grands enthousiasmes pétaradants et les déconvenues qui s'ensuivent, cette vie couleur hématome, racontée avec franchise et crudité, est tordante. Les filles s'y retrouveront spontanément, et les garçons auront entre les mains un document utile sur le "mystérieux" fonctionnement des filles. Mais l'album s'adresse surtout à ceux qui, parfois, doutent de la "qualité" de leur bonheur. Ils verront que tout est relatif et que la poursuite du bonheur sous toutes ses formes, en solitaire ou en famille décomposée, recomposée, etc..., c'est comme la chasse au dahu. On revient bredouille mais on s'en fout. Ce qui compte, c'est la balade et le pique-nique. Voilà une pensée revigorante, n'est-il pas ?