Qui n’a pas, dans notre riante profession un avis bien tranché sur le festival d’Angoulême ?De la sélection d’ouvrages réveillant chaque fin d’année les mêmes vieilles et stériles querelles entre classiques et modernes, aux mouvements de foule et d’humeurs qui ponctuent, quatre jours durant, une véritable messe ayant la particularité curieuse de réunir au même moment et en un même lieu fanatiques et sceptiques, professionnels et amateurs, curieux et intéressés, ouvriers et patrons, faut-il avoir le goût du sang ?Tout semblerait normal, presque cannois, si la bande dessinée brillait de l’aura d’un art reconnu, ou plutôt si toute cette foule aux couleurs complémentaires, avait le sentiment de la reconnaissance de l’objet qui l’anime, là, en plein hiver, au beau milieu de presque nulle part (oui, on n’est pas syndicat d’initiative non plus, on peut dire ça si on veut) dans une sorte de rave d’images aussi proches dans leurs conceptions que lointaines dans leurs sens. Mais voilà, malgré la foule de conquis s’y déplaçant chaque année, tous les professionnels et roadies, du plus connu au plus décalé, ne semblent toujours pas sûrs d’avoir convaincu le monde de la pertinence de leur travail (c’est agaçant). On s’y rend donc animé d’un sentiment étrange, mélangeant fête et travail, retrouvailles immuables et esquives habiles dans un lieu au sol fragile.On pourra compter sur la sensibilité des auteurs participants à ce "Jade" spécial festival d’Angoulême pour savoir saisir des moments et des sensations que cet improbable bouillon suggère, souvenirs ou études, critiques ou énamourés, c’est toujours une photographie du milieu, vue des coulisses, qu’ils donnent à voir dans ces pages et c’est là tout leur sens... même si cela gomme, à n’en pas douter, quelques illusions aux habituels festivaliers."Jade" 606U a obtenu le Fauve de carton au festival de la bande dessinée à plumes d'Angoulême. Décerné par un parterre d'auteurs et de rédacteurs de "Jade", ils se sont remis les uns les autres des fauves de cartons près du local à poubelle jouxtant le théâtre de la ville ou étaient remis les prix officiels. Des photographes amateurs et un nombreux public non-munis d'invitations à la cérémonie entourèrent les lauréats au cours d'un apéritif non-autorisé avec des cahouet'. Dans un souci d'apaisement, la chasse au pingouin a été reportée.