Tandis que les États-Unis déversent napalm et de bombes à fragmentation sur le Vietnam, la belle jeunesse américaine, robuste et naïve, descend dans les rues de San Francisco et New York en quête d’un sens nouveau à la vie. MISTER SIXTIES donne de cette révolte libertaire, optimiste et débraillée, une interprétation venimeuse mais hilarante.
Les Années 60 commencent vraiment pour Robert Crumb en juin 1965, quand il découvre ce chef d’œuvre de l’industrie pharmaceutique suisse, le L.S.D. Si le psychotrope libère son trait et ses inhibitions, il n’améliore pas son humeur rogneuse. C’est un Crumb furibard qui renvoie dos à dos intellectuels et politiciens, anarchistes et banquiers, hippies et yuppies : tous, défenseurs de l’ordre établi ou partisans de la contestation, participent d’un même système corrompu. L’agitation de la jeunesse n’est qu’un simulacre enfumé, et les enfants sont aussi conformistes que leurs parents.
La réputation faite à l’auteur, de héros de Haight-Ashbury et d’icône de la contre-culture, résulte d’un malentendu cosmique.
S’il dessine Janis Joplin, Crumb lui préfère Mother Maybelle Carter et regarde Bob Dylan comme une forme particulièremement irritante d’antéchrist musical. S’il profite de la révolution sexuelle pour jeter sa gourme, il voit avec horreur se lever le mouvement de libération de la femme, qui menace ses fantaisies masturbatoires.
Mais les paranoïaques n’ont pas toujours tort.
En 1969, les Années 60, si bien fustigées par Crumb, sombrent, avec leurs idéaux de paix et d’amour, dans la boue d’Altamont et le sang des meurtres de la Famille Manson.