Ce nouveau volume de l’anthologie Robert Crumb rassemble des histoires publiées dans le magazine Weirdo au début des années 80. Elles marquent une évolution du dessinateur vers un style plus réaliste et plus sombre. Crumb y parodie les Classic Illustrated qui prétendaient donner un vernis de culture aux comics en adaptant des monuments de la littérature. Ses Klassic Komics utilisent l’imagerie crue et brutale des comics des années 50 pour rendre la violence et le désespoir d’oeuvres littéraires qui le touchent personnellement, comme La Nausée de Sartre ou la biographie de Jelly Roll Morton. Philip K. Dick, Sartre ou Boswell, chacun d’eux représente un aspect de Crumb, qui réalise ici un passionnant autoportrait éclaté. Mais l’ironie n’est jamais loin. Les escapades sexuelles de Boswell, traitées à la façon de Hogarth, sont l’occasion de ridiculiser le décalage entre les prétentions intellectuelles de l’homme et ses pulsions charnelles. Mais c’est avec un sérieux et une compassion inattendues que Crumb reprend 16 des 238 cas de perversions sexuelles recensés par le Psychopathia sexualis: Étude médico-légale à l’usage des médecins et des juristes du baron psychiatre von Krafft-Ebing. Le lecteur retrouvera aussi le Crumb érotomane avec Bad Karma, fantasme en roue libre, oscillant entre désir de puissance et haine de soi, et un hommage étonnant à Bécassine, qui entre ainsi dans le Panthéon masturbatoire de Robert Crumb, ce qui achève de faire de Nausea l’un des meilleurs volumes de cette anthologie.