Rancho Bravo est un comté sauvage de l’Ouest américain. Mais il n’existe pas plus que le western, cette fabrication mythologique mise en place dès le XIXe siècle par ceux qui voulaient faire oublier leurs crimes. Blutch et Capron s’appuient sur ce mensonge originel pour contester son héroïsme factice. Et c’est moins la parodie que l’outrage qui les guide. Ici, les cowboys sont des minables, des abrutis, des lâches, des piteux. Bref, des hommes. Plus misandre que misanthrope, Rancho Bravo tourne en dérision les clichés épiques d’un genre qui a déterminé le comportement de quelques générations de garçons. Mais dans cette entreprise de destruction féroce, les auteurs n’oublient pas de nous faire rire du pire. Parues jadis dans Fluide Glacial, ces douze histoires sont réunies pour la première fois dans leur intégralité et profitent ici d’une bichromie inédite qui restitue toute la force du dessin. Entourloupes et quiproquos, c’est le genre à la sauce parodique que les auteurs nous proposent, loin des clichés du cowboy viril et des femmes faciles du western classique de John Ford. Avec Rancho Bravo, Blutch et Capron nous serve un condensé d’humour noir qui vient dynamiter le politiquement correct, brisant au passage le manichéisme latent du genre.