Né dans une Afrique du Sud livrée aux délires ségrégationnistes de l’apartheid, dans un territoire entièrement dominé par le national-christianisme alors en vigueur, Conrad Botes s’est retrouvé, comme bon nombre de ses compatriotes, à devoir se débrouiller dans un pays schizophrène où s’affrontaient deux peuples, deux cultures, deux histoires, où la violence et l’oppression faisaient partie intégrante du quotidien. Refusant d’être le complice des bourreaux de circonstances, refusant tout autant de devenir l’otage des bonnes consciences tardives, de porter son choix sur Caïn ou Abel, Conrad Botes réclame avant tout le droit à l’indifférence. Alors même que ses compatriotes préfèrent la culpabilité au désespoir, il se moque de l’idée d’un métissage rédempteur, d’une fraternité utopique et s’attache à dépeindre sans humeur les blessures et la mauvaise conscience qui dévore encore les âmes de son pays natal. Les histoires du Pays de Judas reprennent les mythes bibliques ou autre nemesis mythologiques pour en donner une lecture plus sociale, une résonance contemporaine en lien avec la lutte de classes ou la contestation populaire face à l’ordre établi. Avec un dessin noir puissant évoquant la gravure sur bois et des histoires presque toujours muettes, le petit théâtre médico-légal de Conrad Botes taille dans le vif et met à jour la cruauté tapie au cœur de la culture, comme au sein de la nature.