Comme dans un rêve labyrinthique, Théâtres déploie un univers incertain à la beauté troublante. Troisième opus de Serge Kliaving, c'est la confirmation d'une œuvre décidément hors-normes.
Ces livres où l'on pénètre comme dans un labyrinthe, une forêt, une maison hantée, sont les récits codés d'une vie. Celle de l'auteur, qui veut marquer ainsi son passage dans le monde.
L'assassin qui signe son crime ne crie pas autre chose: "J'EXISTE ! "
Une fois écarté le voile de la réalité, on découvre l'intérieur caverneux d'un homme, où résonne l'écho des évènements extérieurs.
On peut être désorienté.
Pour ne pas errer, il suffit de trouver le fil d'Ariane, un sentier caché, ou d'appeler S.O.S. Fantômes.
Théâtres est un roman graphique muet, un enchaînement de courtes histoires intriquées, qui nous entraîne dans un voyage déroutant, une errance au gré de dessins en noir et blanc aussi puissants qu'étranges. C'est un conteur, avatar de l'auteur, qui ouvre et ferme l'histoire. Entre un don quichotte qui rencontre une fin lamentable et tragique, des hommes et femmes qui sacrifient leurs yeux ou encore une sorcière qui réveille les morts, le créateur donne vie à ses marionnettes pour leur faire jouer sa singulière pièce, entre rêve et cauchemar. Dans un clin d'œil aux romans gothiques et en écho aux ambiances des œuvres de Thomas Ott ou Samuel Beckett, c'est un univers onirique et incertain qui se déploie et révèle une beauté terrible et envoûtante.
Serge Kliaving construit, depuis son Hôtel Atlantide (2019), une œuvre à nulle autre pareille. Né lors du confinement, à raison d'un dessin par jour, Théâtres est certainement l'album le plus abouti, le plus ambitieux et le plus intime de l'auteur. Inspiré par l'esprit de Topor, les dessins et l'humour noir d'Edward Gorey, Serge Kliaving poursuit un cheminement sur ses propres sentiers, le déploiement d'une œuvre décidément hors-normes.