Qu’est-ce qui pourrait changer dans le petit monde de Tulipe ?
Chaque élément semble être là de toute éternité, et pourtant tout bouge.
Quelques personnages apparaissent, disparaissent, reviennent. Ceux que nous sommes habitués à voir continuent de s’agiter anxieusement.
Seul l’amour de Tulipe pour son arbre ne souffre d’aucun mouvement. Il souffre plutôt du silence. C’est vexant pour Tulipe qui, si indolent par ailleurs, fournit des efforts démesurés. « Je t’aime », lit-on dans ce cinquième volume. Ce n’est pas rien.
C’est beaucoup trop pour Violette, qui croulerait sous le poids de ces mots. C’est bien peu de choses pour Crocus, pour qui ces mots sont si courts qu’ils se dissipent à peine prononcés. Ce n’est pas vraiment le sujet, semblent murmurer le soleil, la lune et les extraterrestres qui, une fois par millénaire, jettent un coup d’œil distrait de ce côté de l’univers. Et pourtant.
Sophie Guerrive ne construit pas une œuvre, elle n’a pas l’âme d’une bâtisseuse ; ou ce qu’elle construit, quand on veut parler de Tulipe, n’a rien à voir avec les monuments violemment érigés pour conjurer le passage du temps.
Caillou par caillou, brindille par brindille, l’œuvre de Sophie Guerrive existe, à côté de nous, comme une seconde nature, comme un second monde à côté du nôtre, et qu’on a la chance de fréquenter, parfois, grâce à elle.