C'est dans les brouillards accrochés aux sommets des montagnes que naissent les légendes. Les archives de la Bibliothèque Centrale de Carnathie ne mentionnent qu'une seule fois le nom de Vladimir Jelovacz. Partisan de la Révolution de 1946 qui éradiqua les derniers lambeaux de la monarchie, Vlado ne participa guère à l'installation du nouveau régime. Sa présence constante aux côtés du Procureur Général Dragan Daedalus est néanmoins attestée. Confident servile, ami fidèle ou éminence grise ? Peut-être les trois à la fois ? Suite à l'effondrement du parti du dictateur Hoxa, Vlado a partagé l'exil de Daedalus et de son jeune fils, Icare. Réfugié à l'Ouest, Daedalus installa son petit monde plus que confortablement. Icare était-il pour Vl ado le dernier espoir d'un retour aux traditions de l'antique Carnathie, celle que parcouraient les caravanes des nomades ? Représentait-il l'antidote aux systèmes de coercition mis en place par son père pour la sauvegarde d'un régime pourtant voué à l'échec ? Icare était-il cette image d'autonomie égarée dans un labyrinthe de lois et de procédures ? Les réponses elliptiques de Vlado à ces questions renforcent l'impression d'attachement pudique envers ce jeune homme, dont on ignore encore aujourd'hui s'il a atteint le but de sa quête. Mais c'est néanmoins grâce à Vladimir Jelovacz que nous avons pu reconstituer le récit de l'aventure d'Icare, sa poursuite d'une mère hypothétique, perdue dans le labyrinthe des souvenirs. Sans doute Vlado ne nous a-t-il livré là qu'une légende de brumes parmi tant d'autres qui hantent encore les noirs sommets de Carnathie ? Après tout, qu'importe ? Puisque la vérité de la légende résiste souvent aux réalités de l'Histoire...