Le héros de Portrait du Joueur est né à Bordeaux où il revient visiter les lieux de son enfance. Maisons et jardins détruits, remplacés par un supermarché agressif, égalisation et transformation partout, il ne reconnaît plus rien, sauf ses souvenirs brûlants d'autrefois, ceux des vignes et de la lumineuse douceur de vivre, "sudiste". Ce roman est d'abord celui de la mémoire. C'est aussi, grâce au personnage de Joan, une journaliste de vingt-deux ans, la confrontation cruelle et comique entre deux générations, celle "de 68" et celle "d'après 68". Là encore, tout a changé : références, moeurs, langage. Triomphe du cynisme et de la confusion médiatique imposée par le "Nord", drôlerie grinçante du temps. Mais le personnage central, discret, subversif, est une jeune femme de vingt-huit ans, Sophie, médecin à Genève. Sa rencontre avec le narrateur fait basculer le récit dans une expérience érotique très singulière qui nous est minutieusement racontée. Il s'agit d'une communicatoion exclusivement physique à travers des scènes construites à l'avance, et décrites, par Sophie elle-même, dans des lettres, d'un érotisme verbal poussé à l'extrême, qu'on lira sans doute avec stupeur. Martin Veyron, spécialiste de l'Amour Dessiné est un voyeur privilégié. Ses dessins nous montrent - et nous cachent - les tiroirs du grand jeu de Philippe Sollers.