A l’appel d’un éditeur littéraire allemand, Nicolas Mahler s’est lancé depuis quelques années dans une série d’adaptation en bande dessinée saluées outre-Rhin : Lewis Carroll, Franz Kafka, et deux écrivains autrichiens, Robert Musil et Thomas Bernhard.
En choisissant un classique de Thomas Bernhard, Maîtres Anciens, Nicolas Mahler se confronte à un monument, à la Littérature, à l’Histoire, à l’Autriche.
Maîtres Anciens met en scène la conversation (à sens unique, bien sûr) entre Atzbacher et Reger, un vieil habitué du Musée d’histoire de l’Art de Vienne. Depuis plus de 30 ans, celui-ci s’assied sur le même banc, deux fois par semaine, en face du même tableau du Tintoret. Sous le regard bienveillant du gardien Irrsigler, il ressasse ses déboires, sa vie routinière et amère, et se répand en diatribes bilieuses sur la médiocrité des artistes, des touristes, de l’Autriche, et de la vie en général.
Dans ce chef d’oeuvre de misanthropie, Nicolas Mahler taille et va à l’essentiel, sans rien toucher à la lettre, dans une adaptation extrêmement fidèle. Maîtres Anciens étonne par cette rencontre inattendue entre un romancier qui pratique la logorrhée, la répétition, la pulsion dénigrante et le ressassement mélancolique, et un auteur de bande dessinée dont le dessin et l’humour se caractérisent par l’économie de moyens, la finesse, l’usage du silence. Nicolas Mahler confirme ici l’étendue de son talent et l’incroyable subtilité de son oeuvre.