En ce temps-là, Joann Sfar était plus jeune, il faisait encore ses premières armes : des capes et des épées et se faisait les dents sur...Tout. Déjà. Sa fringale ne connaissait pas de bornes et n’a jamais été rassasiée depuis.
À (re) lire cet album édité pour la première fois en 1995, outre le pur plaisir de lecture que Sfar a su nous communiquer par le pur plaisir de création qu’il a de toute évidence éprouvé à le faire, on est fasciné de voir la naissance d’un univers qui ira en se ramifiant, en se développant pour atteindre l’étendue que l’on sait aujourd’hui.
Tout n’y est pas déjà, non, l’univers de Sfar est trop grand pour entrer tout entier dans les limites d’un seul livre, mais comme tout livre de Sfar, l’histoire qui se raconte, comme d’elle-même, toute seule comme une grande, plante les germes d’autres univers, d’autres histoires, concomitantes ou à venir, évoque d’autres personnages, d’autres vies. Joann Sfar est, lui, déjà là tout entier, en revanche. Tout son enthousiasme, sa liberté, sa faconde.
Dans les aventures picaresques du Borgne Gauchet, mousquetaire plus Depardieu que D’Artagnan, plus Portos que Cyrano, brute lettrée, bretteur hors pair qui baise à couilles rabattues la reine de Saba, tète des monstres, ferraille contre des spectres, le récit est débridé. Pas de limites à l’imagination, pas de bornes à la liberté.
Des capes, donc, des épées, bien sûr et toute une quincaillerie baroque de monstres, de fantômes, de pirates, de créatures lascives, infernales, mortes, des histoires dans l’histoire... Et même un chat. Déjà.