Il est rare qu’un auteur de bandes dessinées ayant officiellement arrêté d’en faire vingt ans auparavant continue à avoir une influence considérable. Cela devient exceptionnel lorsqu’il s’agit d’une autrice. C’est pourtant bien le cas de la québécoise Julie Doucet, active entre 1987 et 1999, à une époque où les dessinatrices n’étaient pas légion, surtout à se situer sur un terrain briseur de tabous et féministe à la fois. Julie Doucet fait aujourd’hui figure de mythe. Les éditions Drawn & Quarterly à Montréal la rendront célèbre à partir de 1990 avec le comic-book Dirty Plotte, que Julie avait commencé seule en tant que fanzine. En France, c’est en majeure partie à L’Association que l’on doit la publication de son travail : elle est présente dès 1990 dans le tout premier collectif de la structure, Logique de Guerre Comix. Puis ce sera Ciboire de Criss ! en 1995, déjà un recueil de fragments, et quatre autres livres.
La conception éditoriale et graphique de Maxiplotte a été réalisée par Jean-Christophe Menu, premier éditeur de Julie Doucet en France et co-fondateur de L’Association, en étroite collaboration avec l’autrice québécoise. Véritable panorama de l’évolution de son travail, Maxiplotte rassemble des travaux réalisés au cours de ses douze années d’activité d’autrice de bande dessinée. S’y déploie une œuvre à la fois subversive, féministe et fantaisiste. Julie Doucet évoque crûment et avec humour la vie du corps – des règles au désir sexuel en passant par les crottes de nez – les stéréotypes de genre, ses expériences de jeune femme, sans oublier sa vie onirique qu’elle relate abondamment. En noir et blanc, les récits s’épanouissent au fil de cases aux décors minutieusement élaborés, peuplées de personnages aussi insolites qu’attachants.
Cette anthologie de 400 pages comporte, outre la totalité des histoires issues des recueils Ciboire de Criss ! (L’Association, 1996), Monkey and the Living Dead (L’Association, 1999), tous deux épuisés, et quelques récits extraits de Changements d’adresses (L’Association, 1998), des pages de carnet extraites de son journal intime au tournant des années 80 et 90 ainsi que des reproductions des couvertures du légendaire Dirty Plotte, de divers fanzines et éditions internationales. Soit plus de 200 pages d’inédits dont près de 40 en couleurs. À cela, s’ajoutent une introduction de Jean-Christophe Menu, ainsi que la retranscription d’une passionnante interview de Julie Doucet avec le journaliste spécialiste de bande dessinée Christian Gasser. Incontestablement, Maxiplotte fait partie des ouvrages de référence de la bande dessinée alternative de ces trente dernières années.