Trois ans après Les Monstres aux pieds d'argile, Les Nuits rouges du théâtre d’épouvante pose un nouveau jalon dans l'univers d'Alexandre Kha. Il retrace cette fois-ci l’histoire funeste de la troupe de comédiens d'un théâtre délaissé où, peu à peu, les cauchemars imaginaires de leur spectacle macabre prennent le pas sur la réalité.
Les cinq chapitres constituent autant d’histoires secondaires, tel un roman-feuilleton. Ils évoquent aussi les personnages étranges qui peuplent ces nuits rouges : un épouvantail misanthrope, persécuté par les corbeaux, un Casanova au visage vitriolé, un jeune étudiant décapité mais bavard, un loup-garou aguicheur et lunatique, de vrais et faux zombies, un soir d’Halloween, sans oublier Elena, jeune femme d’Europe de l’Est engagée dans ce théâtre pour sa faculté à exprimer la peur, sous le joug d’un metteur en scène tyrannique.
Ici, le dérisoire côtoie le tragique. Le morbide se teinte d’érotisme. Les nuits sont rouges mais le sang plutôt noir.
C’est un hommage aux fantômes du Grand-Guignol, fameux théâtre parisien. Un hommage à ce mauvais genre par excellence qui exploita les peurs naissantes d’un siècle en pleine révolution industrielle et scientifique. Loin des flots d’hémoglobine qu’un cinéma de série B déversera ensuite sur les écrans, l’art du Grand-Guignol consistait plutôt à faire monter le taux d’adrénaline du spectateur, provoquant sueurs froides et palpitations, jusqu’à l’évanouissement dans le meilleur des cas. Cette machinerie scénique, plus subtile qu’il n’y paraît avec sa panoplie d’effets spéciaux, se dérègle ici sous nos yeux dans un joyeux désordre.