On a eu chaud. On a failli ne jamais revoir Les Innommables.
Débutant dans Spirou en 1980, la série, jugée provocatrice, change de peau et devient Aventures en jaune, pour finalement disparaître, victime de la censure. L'album sort chez Temps Futurs, qui dépose son bilan. La série déménage chez Glénat et Bédéscope, pour être encore une fois stoppée dans son élan, malgré l'intérêt manifesté par un nombre croissant de fans. Jugeant que ça commence à bien faire, Yann, Conrad et les éditions Dargaud mettent fin à cette malédiction et nous donnent enfin la suite des Innommables.
Macao 1950. Mac, Tony et Tim se sont fait deux potes : Anubis, un clébard shooté à l'opium qui s'est évadé d'une course de lévriers, et le Père Zé, tenancier d'une léproserie en ruines qu'il compte restaurer en négociant sa relique de Saint François Xavier - thèse contestée par une passagère clandestine qui prétend que c'est la relique d'un pékin du pléistocène inférieur. Toujours est-il que la clandestine déclenche chez Tim une crise de libido énorme, avec fièvre et coma, suivis d'un passage à l'acte qui en bouchera un coin à tout le monde. Quant à Mac, il pique une dépression nerveuse chaque fois qu'il se souvient de son Alix disparue - le Parti l'a envoyée motiver les camarades dans une fabrique de poudre.
Pendant ce temps, la mystérieuse cargaison du Torquemada, tombée dans les pattes de Ching Tao la pirate (une vicieuse pure laine), fait cavaler un tas de salopards, parmi lesquels Sybil et Basil Jardine, "une garce sadique et un voyou taré", de l'avis même de leur père, qui était l'homme le plus puissant de Hong-Kong avant de se faire assassiner par son fils - ce qui prouve qu'il avait raison.
Bref, comme vous l'avez peut-être remarqué, cette histoire refuse énergiquement de se laisser résumer. Son charme tient à la santé iconoclaste des héros, à leur manière crue, touchante ou dégueulasse d'exprimer leur ego dans ce foutoir, et à la force expressive d'un dessin nerveux et hilarant, pétri d'horreur et de tendresse.