Au départ, un groupe de «blackface» composé d’une dizaine de comédiens. Quand le dénommé Hip ne semble plus capable de monter sur scène à cause d’une légère addiction à l’opium, nos valeureux artistes – qui malgré leur goût prononcé pour la caricature raciale savent soliloquer et philosopher avec talent – engagent comme remplaçant un certain Hop, un «vrai» noir. Mais cette nouvelle arrivée, qui n’est pas sans provoquer de légitimes questions (comme «devra-t-il quand même se maquiller?»), permettra-t-elle de leur éviter le courroux des dieux uniques perchés dans les cieux? Car l’existence même des artistes semble tenir à ce commandement divin: pour pouvoir continuer à exercer leur art, il leur faudra être plus de 9, mais moins de 10. Puis l’emprise du vaudou, par l’entremise de Hop, va transfigurer de manières différentes chaque membre de la troupe, juste avant que ceux-ci, comme les dix petits nègres de la comptine, ne se mettent à disparaître, les uns après les autres. Si on rajoute encore que tout le livre est parcouru de questionnements touchant aussi bien aux mathématiques qu’à la philosophie, qu’il regorge de logiques aux développements aussi rigoureux que tortueux, on devinera alors aisément qu’une œuvre de cet acabit ne peut venir que de l’esprit foisonnant de Thomas Gosselin, qui signe ici sans doute son livre le plus complexe, et le plus riche.