Disons-le comme on le pense: la publication du travail de Kuniko Tsurita, complètement inédit en français, est en événement en soi, aussi bien pour ses qualités intrinsèques que pour sa valeur patrimoniale. L’Envol présente sur 480 pages un panorama, si ce n’est complet, en tout cas très représentatif de l’œuvre de Kuniko Tsurita, et la trentaine d’histoires qui composent ce recueil montrent ainsi l’évolution d’une artiste au parcours et au profil atypiques, et dont le travail, profondément ancré dans son époque, se rattache en grande partie au mouvement du «gekiga». Réalisées entre 1965 et 1981, ces histoires (plus ou moins) courtes dessinent aussi en creux le portrait d’une artiste en prise directe avec son époque; des histoires de science-fiction en vogue dans les années 60 à des récits aux accents autobiographiques, de moments plus expérimentaux et poétiques aux interrogations franchement politiques et féministes, L’Envol nous permet de découvrir une des voix les plus singulières et attachantes du manga d’auteur. Souvent présentée comme étant «la première femme à avoir été publiée dans Garo» (revue de bande dessinée d’avant-garde aujourd’hui défunte, et ayant publié des auteurs majeurs comme Yoshiharu Tsuge, Shigeru Mizuki, Yoshihiro Tastumi, Sanpei Shirato, etc.) Kuniko Tsurita livrera hélas une œuvre que l’on aurait aimée plus longue. Publiée précocement dès l’âge de 18 ans déjà, Kuniko Tsurita décède prématurément en 1985, à l’âge de 37 ans.