On avait pu découvrir Francesco Cattani en 2011 avec Barcazza, son premier livre, déjà chez Atrabile, suivi en 2017 par Lune du matin, un livre remarqué, sélectionné au Festival d’Angoulême, et multiprimé en Italie («Meilleure bande dessinée de l’année» au festival de Rome ainsi qu’à celui de Naples). Nuit rose regroupe plusieurs histoires courtes et illustrations parues ici ou là, et nous permet de découvrir toute l’étendue du talent inclassable de Francesco Cattani. Nourri aussi bien par Katsuhiro Otomo et Carl Barks qu'Andrea Pazienza, Francesco Cattani semble refuser de s’arrimer artistiquement à une berge ou se rattacher à une chapelle, et joue ainsi une partition qui sans cesse passe d’une émotion à une autre: récits intimistes frontaux à la portée quasi psychanalytique, visions hallucinées peuplées de monstres et démons, moments métaphoriques et ouvertement politiques – le tout réalisé avec les tripes et un sentiment d’urgence qui font de ce recueil un livre qui bouscule, qui remue et interroge. Comme dans un sursaut salvateur et désespéré face à un monde qui se lisse et s’aseptise, Cattani nous balance tout à la figure – contes morbides, fantasmes sexuels, pochades burlesques et malaisantes – avec une énergie vorace et inquiétante qui semble pourtant bien vouloir célébrer la vie – comme s’il fallait parfois se baigner dans les fluides et la fange pour pouvoir en apprécier la beauté, et rappeler ainsi que ce sont les aspérités qui en font toute sa richesse.