Publié en 1921, mais conçu avant même que s’achève le conflit de 1914, “Le Livre de la guerre de Cent Ans” s’amuse à transposer au beau milieu du XIVe siècle les grands malheurs et les petites misères de la “Der des Ders”. Le travestissement médiéval, en dépouillant la guerre de ses artifices modernes, révèle par l’absurde le véritable visage d’une humanité qui découvre, apeurée et misérable, l’absurdité de sa destinée.
Sous le crayon de Gus Bofa, le conflit prend des allures de théâtre amateur et les personnages, déguisés en guerriers et poussés sur scène pour tuer ou être tués, cabotinent et pérorent, pleins de bonne volonté mais incapables de comprendre le drame terrifiant qu’on leur fait jouer.
Le flot imbécile de l’Histoire emporte les hommes, qui se débattent entre le ridicule et l’horreur. Tandis que les badernes ronchonnent, que les toubibs coupent, que les profiteurs profitent et que les femmes se pâment, les Pauvres Cons du Front font le dos rond: “Il faut bien que tout le monde vive”.
Gus Bofa, qui fut l’un de ces hommes d’armes improvisés, les décrit tels qu’il les a vus, plus proches des clowns de Beckett que des héros de la Chanson de Roland, “las, silencieux et mornes, sans désirs vains, sans espoirs et résignés au pire”. Son pamphlet, à l’humour cruel, ne dénonce pas une guerre particulière, mais toutes les guerres, passées, présentes et à venir, lorsque les circonstances rendent la bêtise humaine tragique.
Jamais réédité, “Le Livre de la guerre de Cent Ans” est proposé ici dans une version restaurée qui corrige certains défauts de l’original et complètée d’inédits récemment découverts.