L’ouvrage que vous tenez entre les mains constitue plus qu’un simple recueil d’images. Il s’agit avant tout d’un document historique et sociologique sans équivalent. Ce panorama de la carte postale humoristique à son âge d’or (1960-1970) dessine en effet les contours d’une France aujourd’hui disparue, que l’on pourrait situer chronologiquement entre Pompidou et Giscard… et artistiquement entre David Hamilton et le professeur Choron.
Ces cartes, patiemment chinées au hasard de quinze ans de vide-greniers, bien loin des cercles confinés de la cartophilie, avec pour seul critère leur intérêt pictural et leur drôlerie, nous offrent un patrimoine unique oscillant entre le meilleur et le pire, parfois grivois, souvent gaulois, toujours réjouissant.
Car l’univers de la carte postale a ses codes propres, ses thèmes de prédilection, ses impératifs ! On n’y prend pas de gants : si la femme est traitée sans ménagement, sujet de grasse rigolade au même titre que l’âne, le singe, le clochard, les vieux ou les fruits de mer, l’homme n’est pas épargné pour autant, tour à tour buveur impénitent, cocu pathétique, chauffard vindicatif (…) chasseur bredouille, ami décevant, piètre sportif, et amant paresseux.
Comment ne pas être stupéfait face aux trésors d’inventivité et d’audace déployés ici, dans une fraîcheur décomplexée et une absence totale d’inhibition. C’est le triomphe du bout de ficelle et de la bonne franquette, les limites du bon goût sont allègrement franchies. On fait poser les copines, la famille est mise à contribution, on travaille avant tout pour le plaisir et en toute humilité. Les détourages se font sans anesthésie, on compose les textes avec du Letraset directement sur la photo.
L’éditeur paie au lance-pierre, il imprime et distribue souvent lui-même, et on a vite fait de retrouver son oeuvre exposée en milliers d’exemplaires sur tous les tourniquets de France et de Navarre.
Ce livre ne prétend pas à l’exhaustivité. Il entend simplement rendre un vibrant hommage à ces truculents forçats de la carte comique (et en particulier à l’incontournable Alexandre, dont la production pléthorique dépasse l’entendement), et faire partager à un large public ces trésors oubliés de la carte postale à papa. Ces images n’ont pas survécu aux années 80. Mais le charme qui s’en dégage est à l’épreuve du temps.