Déménager en ville, empaqueter ses quelques affaires et tout laisser derrière soi pour faire le grand saut dans l’inconnu, voilà une situation vieille comme le monde. Peu importe si Tom Gauld fait évoluer ses personnages dans un décor du Moyen-Age, ses deux jeunes campagnards sont manifestement nos contemporains. L’auteur joue avec humour de cette collusion des époques: faute d’avoir un sac à dos comme son compagnon, l’autre aventurier en herbe doit se coltiner une brouette. De plus, la pratique de l’auto-stop est-elle vraiment efficace en ces temps où les routes sont aussi peu fréquentées, voire désertes? Move to the City s’inscrit dans la lignée d’une B.D. minimale anglo-saxonne (John Porcellino, Ron Rege Jr, James Kochalka), qui en quelques traits s’attache à extraire du quotidien ces petits échanges et ces instants apparemment anodins qui, au fond, constituent le sel de toute aventure: la pluie qui tambourine sur la tente au petit matin, la joie de marcher pied nu dans l’herbe après une longue journée. Chaque page distille à son tour une petite parcelle de ce temps du voyage qui semble s’étaler nonchalamment à l’infini. L’auteur multiplie les variations de mise en page comme pour mieux communiquer cette sensation de renouvellement permanent qui caractérise la découverte du monde. A cette fable, Tom Gauld insuffle cet humour anglais si particulier, une forme de logique poussée jusque dans ses derniers retranchements poétiques: puisque les routes ont été construites pour relier les villes, peu importe la direction que l’on décide de suivre, on finira bien toujours par arriver quelque part.